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Funkyss' way.
14 novembre 2005

Petit écrit musical.

Quand ses rythmes chaloupés vous prennent, vous ne pouver plus vous empêcher de tanguer, les yeux empourprés et à demi-fermés, le phrasé doux et violent du chanteur n'a que faire de vos jambes molles, il vous agresse autant qu'il vous console, la basse aidant à souligner votre léthargie, mélange de rage et de paix, sémaphore enfumé d'un phoenix clairvoyant, babylone est morte, au moins pendant ce court moment....

Que vous soyez morts ou vivants, vous bougez, au rythme d'un conga en trois-deux temps, le sourire au lèvre, l'homme a 80 ans, et joue comme un bébé, avec des dents de loup. Lorsque le son suraigu de cet incarnation du feu et du bruit vous perce les oreilles, vous vous réveillez, mortifié, mais tellement vivant. Aux rythmes sensuels, aux cuivres flamboyants, les trompettes de la mort n'attendent que votre naissance, et avec fracas, vous apparaissez joyeux devant ces vieux papis, descendants de cet Espagne ténébreuse et fier, mêlés aux épices de rhum arrangé...La salsa du démon, ou la maïeutique de la joie.

Si froids, si inhumains, si vrais, les sons vous percutent, votre coeur n'en peut plus, votre coeur en raffole. Votre cerveau ne fonctionne plus, votre moelle épinière vous suffit, votre corps bouge tout seul. Vous avez beau abhorrer ces sons artificiels, violents, quasi-inaudibles, quand votre corps les capte, vous ne pouvez plus vous en passer. A ceci près que vous n'êtes plus vous-mêmes...Si la musique est une drogue, celle-ci est celle qui monte le plus violemment. Perché sur les hauteurs du Mont Brumeux, le choix est simple, douloureux, jouissif : bouger comme un con ou partir. Votre moelle épinière prend le dessus. Les gens autour de vous vous sourient, ils ne savent pas pourquoi, vous non plus. Vous vous rapprochez si près du mur de son que votre bulbe rachidien bout. A cette heure là, il ne vous sert plus à rien.

Un tour du côté des slaves, si tristes, si froids, si ternes, si fiers...Notre imaginaire nous joue de sérieux tours quand ils arrivent devant nous, dix huluberlus armés d'instruments bricolés ou cabossés, vous les regardez avec de grands yeux ronds, incrédules. Et puis, ces gars-là, les artisans des Balkans, ils se mettent à souffler et à taper sur leurs drôles de trucs. Et toi, tu sautes. Et tes yeux ne sont plus ronds, mais rieurs. Et puis, tu ris comme t'as jamais ris, la vie ne t'avait jamais pris au dépourvu de cette façon. Ces gars-là, ils sont pas humains tellement ils te rendent heureux.
Et les drôles de machins qu'ils tiennent si forts doivent y être pour quelque chose. Mais ils rient aussi. Et en soufflant ou en frappant. Cabossés ou pas, ces hommes en salopettes, chemises à carreaux, chapeaux bizarres sont de vrais diablotins, aussi heureux que tentants. Leur musique est un clin d'oeil à tout ce qui est irréel. Les apparences n'auront jamais été aussi trompeuses.

On dit que le noir est la couleur de la mort. Il faut toujours se méfier des "on-dit". Ces hommes et femmes révoltés sont plus beaux que jamais. Leurs voix leur suffisent. Ils parlent, chantent, jouent, disent des choses, mais peu importe les choses, l'important c'est qu'ils le disent, et avec la manière. Improvisées ou pas, leurs phrases claquent dans l'atmosphère, l'orage roule sur nous, et comme toujours tu bouges. Mais, pour une fois, le corps touche la sémantique de la musique, appuyée par le rythme. On tranche, on vibre, mais on réfléchit. Inconsciemment, les paroles pénètrent, tranquillement, insidieusement, et à chaque souffle violent, on sursaute, frissonants, loin de toutes conventions. Notre esprit tourne, saute, virevolte.

J'ai une sainte horreur de la prétention, de l'hybris, de l'élitisme, mais quand c'est dit avec panache, faut voir. Des grands déguingandés, ou ceux qui grimacent quand ils crient leur nihilisme, leur liberté. Les accords métalliques crient aussi, noirs et blancs, accompagnées de lourdes basses, qui nous enchaînent au sol. On ne peut que contempler leur liberté. Seuls leurs rythmes nous décrochent, rapidement, violemment, si éblouis par cette liberté nouvelle que la fée électricité nous apporte bruyamment et brutalement. Et là, on ne bouge plus pour bouger, on ne saute plus pour nous-mêmes, on sue pour l'orgueil de cet homme qui nous parle, si lointain, caché derrière les guitares, pour la fierté de ces hommes libres.

La musique, invention du diable. Au delà des symboles enfumés, des yeux embrumés de whisky, et de drogues de pauvres, les cuivres, les cordes crient cette fragilité, cette détresse, cet espoir de tout un peuple, de tout homme, de l'humanité, asservie, libre, portant en elle les germes de sa rédemption comme de sa chute. Duale, forte, insidieuse, mais surtout délicieuse, cette musique, et pour la première fois, je la nomme ainsi, nous transperce. On ne bouge pas, tout simplement parce que l'on est tétanisé. En revanche, notre matière soi-disant grise, elle, se transforme, appréhendant petit-à-petit ce qui pousse ces femmes et ces hommes à donner. Et, on commence à en avoir marre de prendre. Alors, ils donnent, les yeux, seul élément alors indépendant de notre corps, ils lâchent quelques gouttes. Et d'un coup, le retour à la vie, les mains battent le vide, et se retrouvent, et s'entrechoquent aussi fort qu'elles peuvent le faire, non pas qu'elles souhaitent remercier ces êtres tremblants autour de leurs instruments, mais simplement, elles ont compris qu'elles faisaient parti d'un tout, et d'un tout si vivant.

Merci à ceux qui m'ont souri dans ces moments, qui se sont coller contre moi, plus ou moins violemment, avec cette tendresse des sens, amas d'électricité si vivants....

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Commentaires
K
...<br /> <br /> superbe.
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